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Drouais Toponymie Microtoponymie Histoire

Étude de l'origine des noms de : villages, lieux-dits et terrains dans le Drouais (Eure-et-Loir).

FERMAINCOURT SES CHÂTEAUX, CHAPELLES ET PRIEURÉS

Cet article a été publié dans le cahier n°34 (2016-2017) de la Société des Amis du Musée, des Archives et de la Bibliothèque de Dreux.

 

Fermaincourt est un petit village au confluent de l’Eure et de la Blaise, il est composé de trois hameaux dépendants des communes d’Abondant, Cherisy et Montreuil. Il est connu par des écrits depuis le xe siècle. Fermaincourt était une place forte comme son nom nous le confirme : composé de deux mots latins « Firmatas » et « Curtis » qui indiquent une villa changée en forteresse. Cette place forte royale existait peut-être avant le château de Dreux, en effet :

Au xiie siècle le comte de Dreux, Robert Ier possédait un château, certainement érigé à l’emplacement d’un châtelet en bois du xe siècle, pour surveiller le passage sur l’Eure, qui était navigable. Le château médiéval était situé au fond de la vallée, bordé au sud par l’Eure, à l’ouest par la rue du village, au nord par le chemin de Montreuil, à l’est par les champs.

À la même époque une chapelle dédicacée à  Saint-Martin était érigée sur la gauche de la route venant de Dreux. Elle figure en 1126 dans les biens de L’abbaye de Saint-Père. Il n’en reste plus qu’un pend de mur sur une butte de terre.

Ruine de la chapelle Saint-Martin

Au xiie siècle et au xiiie siècle nous trouvons dans les textes l’existence de deux Prieurés, que certains auteurs ont pu confondre et penser qu’ils ne faisaient qu’un confié successivement à deux abbayes, alors qu’ils coexistèrent pendant plusieurs siècles et disparurent certainement tous les deux à la Révolution.

              Le premier le « Prieuré des Pézeris » fut créer par le comte Robert II de Dreux, qui en 1185 donna aux chanoines réguliers de l'abbaye de Saint-Vincent des Bois[1], la chapelle Notre-Dame des Pézeris qu’il fonda. De ce Prieuré il ne subsiste plus rien il fut certainement détruit à la Révolution. La chapelle se trouvait près de la petite île formée par un bras de l’Eure à quelques centaines de mètres en aval du pont sur l’Eure.

 

[1] Saint-Vincent, hameau, commune de Saint-Maixme, canton de Châteauneuf.

                   Le second le « Prieuré de Notre-Dame des Sept Joies » fut Fondé par le comte Robert IV de Dreux, qui, par une par une charte du 29 septembre 1282 donnait la chapelle de son château aux chanoines prémontrés de l’abbaye de Saint-Yved de Braine[1]. Cette charte prévoyait une dotation permettant l’entretient de sept moines desservants de la Chapelle. La chapelle était sous patronage de Notre-Dame des Sept Joies. En 1375 et 1378, Charles V confirmait les droits donnés par Robert IV. Ce prieuré fut aussi vendu comme bien national et détruit à la Révolution

 

[1] Chef-lieu de canton, arrondissement de Soisson, Aisne.

Une petite chapelle, dans une propriété privée, sur la rive droite de l’Eure et au carrefour de routes de Dreux, Anet et Montreuil est à l’endroit où se trouvait la chapelle du prieuré de Notre-Dame des Sept Joies. Et sur la droite de la route de Fermaincourt à Montreuil on peut voir un château qui fut la maison du prieur du même prieuré connu sous l’appellation de « château de Fermaincourt ».

 

Monsieur Pierre du Payrat, qui devint propriétaire du château en 1946, est l’auteur d’un essai retraçant l’histoire du Château de Fermaincourt, du xviie au xxe siècle et la liste de ses propriétaires depuis 1708, dont nous reproduisons un large extrait ci-après.

Bernard Hémery

 Essai historique sur le Château de Fermaincourt (autrefois Écluzelles)

M. Pierre du Payrat.

 

             Ruiné par la guerre de 100 ans, le village de Fermaincourt fut pratiquement abandonné. Sous Louis XI les Prémontrés revinrent. Un document daté de 1641 nous apprend que leur Prieuré consistait en « un corps de logis où il y a des chambres hautes et basses, écuries, greniers, bergeries, grandes granges, volières à pigeons, cour et jardin clos de murs » avec droit de four à chaux. Le prieur d'alors Jacques Ladvocat est mentionné dans les archives de 1659 comme licencié en théologie et aumônier ordinaire du Roi. Il ne résidait pas souvent dans son Prieuré mais y entretenait un chapelain, tel Martin Chrestien inhumé à Cherisy en 1675[1].

 

[1] « Le 16 aoust 1675, a esté inhumé maistre Martin Chrestien, presbtre, chapellain de Fermencourt, aagé de 70 ans (A.C. de Cherisy-GG 4) ».

 

 
 

La chapelle Notre-Dame des Sept Joies, vendue en 1791 comme Bien National, se trouvait sur l'emplacement de la Chapelle actuelle reconstruite par le comte Potocki. Nous ne pouvons préciser l'emplacement exact du Prieuré, vendu également dans les mêmes conditions.

          Le château d'Écluzelles[1] existait déjà à cette époque. Le corps central de forme carrée est nettement une construction Louis XIII, comme le montre la charpente remarquablement conservée avec — à ce moment-là — des toits débordants. Il comportait un seul étage couvert d'un plafond supportant comme isolant une nappe de 60 cm. de terre. Cette nappe a été retrouvée lors des travaux que nous avons dû faire pour remplacer les poutres qui avaient souffert des fuites d'eau survenues pendant l'occupation allemande de la dernière guerre.

         Le château n'était vraisemblablement pas le Prieuré, mais probablement l'habitation du Prieur puis du chapelain. Une plaque de cheminée de style Louis XIV trouvée au fond d'une cheminée murée dans la cuisine et représentant le Sacrifice d'Abraham paraît montrer que la maison a été habitée par des ecclésiastiques.

C'est probablement à l'époque (début du xviie siècle) où les Sabrevois étaient propriétaires d'Écluzelles qu'a été aménagé le deuxième étage en installant des mansardes (invention de la fin du siècle précédent) dans les combles.

 

[1] Le domaine et le château de Montreuil était un fief de la seigneurie d’Écluzelles.

D'après un document du milieu du xviie siècle, le prieuré est bien distinct du château d'Écluzelles et n'est plus qu'un simple bénéfice dont le prieur frère Georges Biberon, prémontré, est procureur du collège de l'ordre. Il ne réside jamais à Fermaincourt. La chapelle, quoiqu'en bon état, sert de grange et la porte sur la rue du village a été murée (1757).

29 janvier 1791 la terre d'Écluzelles sise à Fermaincourt, consistait en particulier en « un château nouvellement reconstruit dont il reste un bâtiment à achever, bâtiments, cour, basse cour, jardin, canal, garenne et autres dépendances. »

Les deux pavillons de l'entrée sont carrément de Style Louis XVI. Ont-ils été construits par le Marquis de Lunas propriétaire d'Écluzelles de 1766 à 1777 ou par la Marquise de Mercy propriétaire de 1778 à 1786 ? En tout cas, les pavillons datent de cette époque et, d'après l'acte de 1791 l'un d'eux n'était pas terminé à cette date, à moins qu'il ne s'agisse de l'une des ailes du château qui ont dû être construites en même temps.

29 juillet 1838 Achat par Madame Joséphine Sophie Pauline Cellerier L'acte mentionne « un bel escalier, marches en bois, rampe en fer jusqu'au premier étage, ensuite rampe en bois ; belle grille en fer à deux battants suivie par une avenue d'ormes ». La propriété est comptée alors pour 20 hectares dont 7 pour le château, jardin et parc et 13 pour les terres, bois, prés etc.

Le Comte Potocki fit faire de grands travaux à Fermaincourt. C'est probablement à lui que l'on doit l'habillage du château avec des frises, des angles en fausse pierre emplâtre. Il fit mettre ses armes au-dessus de la fenêtre centrale du 2e étage.

Dans son ouvrage sur la région. M. Charles Le Ménestrel décrit ainsi le château d'Écluzelles : « Il est composé d'un principal corps de logis flanqué aux deux extrémités de deux pavillons y attenant. La rivière d'Eure baigne le bas du jardin et alimente par ses eaux vives et courantes une longue pièce d'eau bien empoissonnée et ne tarissant jamais. La cour d'honneur a une contenance cadastrale de 11 ares ; une grille en fer de quinze mètres de longueur, garnie de lances la traverse et est montée sur un mur d'appui ; elle la sépare de la première cour.

Une belle avenue d'ormes conduit au château dont l'entrée est défendue par une grille en fer à deux larges battants. Devant la propriété se trouve un beau jardin potager, divisé en plusieurs superbes terrasses et parterres et dans lequel existent des berceaux de verdure et de tilleuls. Le parc qui est attenant au jardin et qui était autrefois peuplé de gibier, contient 5 hectares 50 » (1866).

              Depuis plus de 300 ans, nous pouvons suivre chronologiquement les différents propriétaires du Château d'Écluzelles :

 

           I D'après des documents d'archives relevés par M. Lelièvre :

Le 11 avril 1708. — Dame Marie Plisson épouse de M. Jean-Jacques de Sabrevois, gouverneur de Dreux, fondée de procuration de son mari, vend le château et le fief d'Écluzelles, sis à Fermaincourt, à M. Jean-Baptiste de Sabrevois par acte passé devant Renard et son confrère, notaires à Paris.

Le 2 septembre 1731. — M. Jean-Baptiste de Sabrevois, seigneur d'Écluzelles, brigadier des armées du Roi, donne le château et le fief d'Écluzelles à Fermaincourt, à son neveu, Claude-Pierre de Sabrevois, chevalier, seigneur de Chaillouet, et à Françoise Louise de Gercy, son épouse, à l'occasion de leur mariage. (Contrat du 2 septembre 1730).

Le 21 février 1738. — Claude-Pierre de Sabrevois, chevalier, seigneur de Chaillouet capitaine des carabiniers et son épouse vendent la terre et fief d'Écluzelles, à Fermaincourt, à messire Louis Gueffier, chevalier de l'Ordre du Roi, par acte passé devant Desplaces et son confrère, notaires à Paris.

Le 28 janvier 1744. — Louis Gueffier vend le château et le fief d'Écluzelles à Fermaincourt, à Messire Charles-Gabriel Boucher de Létang, écuyer, conseiller du Roi, commissaire ayant la conduite et police de la première compagnie des mousquetaires de la garde du Roi, demeurant à Paris, rue Pot-de-Fer, paroisse St Sulpice, par acte passé devant Augot et Perret, notaires au Châtelet de Paris, pour la somme de 18.000 livres.

Le 6 août 1766. — Charles-Gabriel Boucher de l'Étang, commissaire de la première compagnie des mousquetaires de la garde du Roi, demeurant à Paris, grande rue du Faubourg et paroisse Saint-Jacques du Haut-Pas, vend à Louis-Daniel-Antoine-Jean Viel de Lunas, chevalier, marquis de Lunas et autres lieux, le château et fief d'Écluzelles, à Fermaincourt, par acte passé au Châtelet de Paris, pour la somme de 12.000 livres.

Le 10 janvier 1778. — M. Antoine-Louis-François et M. Antoine-Pierre Viel de Lunas, mineurs émancipés d'âge et demoiselle Louise-Françoise-Thérèse Viel de Lunas, fille majeure, demeurant au couvent de l'Assomption, rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch, tous trois héritiers de M. Louis-Daniel-Antoine-Jean Viel de Lunas, leur père, vendent le château et fief d'Écluzelles, à Fermaincourt, à dame Louise-Élisabeth-Edmée de Liée de Tonnancourt, veuve de M. Alexandre-Michel Carruel, marquis de Mercy, demeurant à la Guillerie, paroisse de Bérou, près de Dreux, par acte passé au Châtelet de Paris, pour la somme de 19.000 livres.

Le 20 septembre 1786. — Alexis-Jacques Tanneguy Le Veneur, mineur, héritier de Louise-Élisabeth de Liée de Tonnancourt, marquise de Mercy, vend par sentence du Châtelet de Paris le château et fief d'Écluzelles à M. Jérôme Léonor Le Mercier des Hautes-Loges, vicaire général du diocèse d'Aire, chapelain du roi et chanoine de Sainte-Opportune à Paris

Le 3 mars 1787. — M. Jérôme Le Mercier des Hautes-Loges, vend le château et fief d'Écluzelles à Fermaincourt, à Jean-Edme-Félix Piver l'aîné, habitant de Saint-Marc, île et côte de Saint-Domingue, par acte passé devant Sauvaige et son confrère, notaires à Paris, pour la somme de 12.000 livres.

Le 29 janvier 1791. — M. Piver vend à dame Élisabeth Catherine de Saint-Georges, épouse non commune en biens de M. Louis-Michel de Calonne, chevalier de Saint-Louis, ancien mousquetaire du Roi, la terre d'Écluzelles, sise à Fermaincourt, consistant, en particulier en « un château nouvellement reconstruit dont il reste un pavillon à achever, bâtiments, cour, basse-cour, jardin, canal, garenne et autres dépendances » … pour la somme de 20.000 livres, acte passé devant les notaires au Châtelet de Paris.

 

II D'après les titres de propriété

Le 6 mai 1791. — achat par N. Jean Outrequin père, propriétaire à Dreux, rue du Nouveau Monde, époux de dame Hanoard de la Garode.

Le 23 janvier 1797 (4 Pluviôse an 5). — achat par M. Nathaniel Cutting, négociant, demeurant à Boston.

Le 3 novembre 1797 (13 Brumaire an 6). — Achat par M. Jacques Lacaze demeurant à Paris.

Le 16 août 1802 (28 Thermidor An 10). — Achat par Richard Codman, négociant à Paris.

Le 28 août 1805 (10 Fructidor an 13). — Adjudication sur expropriation forcée à Rosalie Gauvain divorcée William Vans qui en était créancière pour 25.000 francs.

Le 15 mars 1808.Achat par Pierre-François Lancelin, ingénieur de la marine pour 38.000 francs.

Le l6 septembre 1809.Adjudication pour 30.000 francs conjointement au marquis d’Espeuilles et à Antoine Viel, comte de Lunas, château de la Montagne-Saint-Honoré (Nièvre).

En janvier 1837.Le domaine d'Écluzelles revient par succession à Antoine-Théodore de Viel de Lunas, marquis d'Espeuilles, fils et neveu des deux précédents propriétaires, demeurant en son château de la Montagne-Saint-Honoré, commune de Moulins-en-Gilbert (Nièvre).

Le 29 juillet 1838.achat pour 72.000 francs par Madame Joséphine-Sophie-Pauline Cellerin, veuve de M. le vicomte Georges Beuret, Lieutenant général ; acte passé à Dreux en l'étude de Me Soudée, notaire, et en présence de M. Eugène-Georges-Jacques Beuret, capitaine d'artillerie et de Me Eugène-François Tilleul, avoué à Dreux.

En 1864.Le vicomte Eugène Beuret, général de division d'artillerie, directeur général des poudres et salpêtres, commandeur de l'ordre impérial de la Légion d'Honneur, a hérité du domaine d'Écluzelles.

Le 29 06 1869.Adjudication par la comtesse Letort, veuve du général Beuret pour 100.000 francs (non compris Robillard) à Stanislas comte Potocki, 21 rue Dumont d’Urville à Paris, écuyer de S.M. l’Empereur de Russie.

 

Le 06 07 1891.Vente par le comte Jacques Potocki qui avait hérité de son père à Madame Vve Fauqueux, 64 avenue du Bois à Paris pour le prix de 140.000 francs y compris Robillard plus 13.000 francs pour le mobilier. Madame Fauqueux épousa par la suite M. Planès conseiller général, officier de la Légion d'Honneur.

En octobre 1911. — Le Baron Fauqueux hérite de la propriété.

En mai 1912. Achat pour 120.000 francs (y compris Robillard) par Monsieur Lefèvre qui devint par la suite Directeur général du Crédit Lyonnais.

Le 11 juillet 1946.Vente par Madame Veuve Lefèvre à M. et Mme Pierre du Payrat.

Bibliographie

Lefèvre, Édouard :

Annuaire statistique, administratif, commercial et historique du département d’Eure et Loir, 1860.

Lelièvre, Jean

Document sur le Prieuré de Notre-Dame des Sept Joies de Fermaincourt, Extrait du Bulletin de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir, Chartres Imprimerie Durand, 1962

du Payrat, Pierre

Essai historique sur le château de Fermaincourt. non publié, 1977.

 

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